La fatigue et le désespoir commençaient lentement à faire leur apparition. Coraline sentait que chacun de ses muscles la suppliaient de s'arrêter, de faire une sieste, même minuscule, n'importe quoi. Mais elle n'arrivait pas à relâcher la pression. Elle était encore trop loin de son objectif, pas question de baisser les bras maintenant.
La jeune femme était désormais dans le royaume de Camelot. Elle n'y avait mit les pieds qu'une seule fois, pour venir s'occuper d'une sorcière, mais elle se fit des plus discrètes, ne voulant pas être reconnue. Car Coraline Jones était certes connue pour sauver des vies, mais aussi pour en reprendre. Avec la disparition de beaucoup de monde, la panique s'était installée dans le Monde des Contes, alors pas besoin de s'attirer des ennuis ou être accusée de complicité avec un seigneur abusant de sa supériorité. Les têtes tombaient un peu trop à son goût.
Elle s'étira, faisant craquer ses articulations. La chasseuse avait fait halte quelques minutes sous un pommier, histoire de profiter du repas juteux et libre service qu'était les pommes d'un rouge soutenu accrochées aux branches ou à même le sol. Mais si les fruits, c'était pleins de vitamines, Coraline n'était pas pour autant végétarienne. Si elle voulait tenir le rythme effréné de son voyage, elle avait plus qu'intérêt à trouver de la viande et vite. Bien entendu, il lui suffisait de prendre son arbalète et de partir en chasse dans la forêt, à la recherche de lapin. Mais la tueuse de monstres n'avait jamais abattu un seul animal. C'était toujours le Chat qui s'occupait de la partie cuisine. La simple mention de son fidèle ami dans son esprit lui fit monter les larmes aux yeux. Elle pesta en appuyant ses paumes pour contenir ces pleurs ridicules. Elle n'avait pas pleurer depuis qu'elle avait dix ans, alors pas question de se laisser aller. Le Chat ne voudrait sûrement pas la voir attristée.  
Coraline attrapa son arbalète, savourant le poids de son arme dans ses mains, et quitta le terrain végétal pour se retrouver à nouveau sur une route abîmée. Elle essaya de ne pas faire attention à la douleur de ses pieds et résista à l'envie de retourner dans l'herbe et d'y dormir. Pas le temps. Elle avait déjà prit trop de retard à faire sa pause.  
Elle marcha ainsi pendant une demi-heure, ne croisant aucune âme qui vive. Même si c'était elle qui avait demandé aux habitants quelle route était la moins fréquentée, elle commençait à souffrir de la solitude. Être seule n'allait pas améliorer son caractère déjà difficile.
Elle ruminait ces idées noires, se battant avec elle même intérieurement, quand des bruits derrière elle se firent entendre. La jeune femme marchait sur le bas-côté, sous l'ombre des arbres, pour être le plus invisible possible, mais peut être qu'on l'avait vu, et qu'on se demandait pourquoi une femme se baladait ainsi seule.
Instinctivement, Coraline se retourna et pointa son arbalète sur la source des bruits, en lançant de sa voix dure:
- Plus un pas ou il ne faudra pas se plaindre si vous vous mettez à saigner !
Elle se maudit intérieurement pour le  ridicule de sa phrase. Très impressionnant ! Mais au moins, ni sa voix, ni son corps ne tremblaient, trop concentrés à viser.