Regina & Emma

(hate this & i'll love you.)
- - - - - - - - - - ♢ - - - - - - - - - -

Ce matin, le petit bâton électronique, communément appelé thermomètre, annonçait trente-sept degrés. Pas quarante degrés comme il y avait quelques jours et qu’elle avait dû se ruer chez le bon Docteur Godwinson pour recevoir un traitement approprié à cette vilaine grippe automnale. Enfin, « se ruer »… Elle ne s’était pas exactement ruée, elle s’était plutôt téléportée, puisque grâce à Rumplestiltskin, la brunette avait enfin retrouvé sa magie, après avoir passé un contrat avec la grenouille. Pourquoi, en effet, perdre son temps et son énergie à conduire sa voiture alors qu’elle pouvait simplement se matérialiser où bon lui semblait en un claquement de doigts ? C’était là un sort de base, qui ne nuisait à personne, à ce qu’elle sache, aussi ne s’était-elle pas gênée pour s’en servir. George Godwinson, son médecin de famille – car elle n’allait certainement pas courir le risque de se faire soigner par Whale, qui ne la portait pas dans son cœur et vice-versa – lui avait prescrit une bonne dose de médicaments et du repos pour plusieurs jours. Du repos ! Comme si elle avait le temps de se reposer, entre la fin de la malédiction, le retour de sa magie et son combat acharné pour récupérer Henry des griffes des Charmings. À croire que cette grippe lui était tombée dessus pour lui rappeler qu’elle était humaine et qu’elle aussi, elle avait besoin de se reposer de temps en temps. Elle s’était donc pliée aux ordres du médecin et était rentrée plus faible que jamais chez elle, pour tomber en chemin sur la fille des voisins, Malory Warbird, une jeune rouquine qui dans le monde des contes était la fougueuse Merida. Étrangement, Malory ne semblait pas être comme les autres habitants de Storybrooke : elle se permettait d’être arrogante avec elle et, surtout, ne la jugeait pas sur ses actions passées. Évidemment, Regina avait été humiliée de se montrer si faible en présence de la jeune femme et avait essayé de se débarrasser d’elle en se montrant cruelle à son égard, mais rien à faire ! Malory resta à ses côtés et veilla à son chevet. Regina avait cru à un piège, malgré le repas amical qu’elles avaient partagé pendant les jours précédents, mais il n’en était rien. La rousse était obstinée et protectrice et… franchement, l’ancienne souveraine ne savait pas quoi penser d’elle.

Ce matin, donc, Regina était guérie. La fièvre était partie durant la nuit et la brunette se sentait bien mieux. Ses muscles n’étaient plus douloureux, son nez ne coulait plus comme un robinet mal fermé et sa gorge n’était plus sensible. Elle se rappela alors du conseil de son médecin : une bonne promenade était nécessaire pour une bonne guérison. Ou quelque chose dans ce goût-là, Regina n’avait pas tellement prêté attention, affaiblie comme elle l’était à ce moment-là. Mais le fait est que sortir de chez elle lui ferait le plus grand bien, c’est vrai, surtout après avoir été enfermée pendant plusieurs jours. Elle eut une vague pensée pour son garçon, qui vivait à sa connaissance chez ses ennemis, et s’interrogea à son sujet : que devenait-il ? Allait-il toujours à l’école malgré la fin de la malédiction ? Était-il heureux ? Elle ne l’avait pas revu depuis… seigneur, ce qui s’était passé à l’hôpital. Elle le revoyait, couché dans un lit trop grand pour lui, le teint pâle, trop pâle… Et Emma Swan, penchée sur lui. À cette pensée, le visage de la femme se tordit en une grimace dédaigneuse. Dédaigneuse et jalouse. Cette Emma... En un rien de temps, elle avait su se faire sa place dans la petite ville et dans la vie de Henry. Comme si elle en avait toujours fait partie. Regina soupira, son humeur assombrie, puis marcha d’un pas contrôlé vers la cuisine. Elle se prépara un café noir, sans lait ni sucre et attendit que son petit-déjeuner de fortune soit prêt en parcourant distraitement le journal de Storybrooke. Il était incroyable que Sidney Glass soit aussi dévoué à son papier maintenant que tout cela n’avait plus aucun sens. Il en allait de même pour l’émission matinale Good Morning Storybrooke, que les deux abrutis habituels continuaient d’animer. Bientôt, sa boisson fut prête et c’est avec bonheur qu’elle sentit le liquide bienfaiteur brûler sa gorge. Rien de tel pour se réveiller. Elle sirota ainsi son café tout en continuant de lire le journal, roulant les yeux en tombant sur un article intitulé : « La Méchante Reine disparue de la circulation : prépare-t-elle un complot ? » Le journaliste concluait son texte sur une touche d’humour noir, demandant à ses lecteurs s’ils étaient sûrs que leurs cœurs soient encore dans leurs poitrines. Vraiment, elle devrait en glisser un mot à son « miroir magique », qui se permettait absolument n’importe quoi en son absence.

Une fois son café terminé, elle déposa la tasse dans l’évier et la nettoya en utilisant sa magie. Elle avait bien passé vingt-huit ans à faire la vaisselle « à la main » ; maintenant, elle pouvait sauver du temps en accomplissant cette tâche ménagère en quelques secondes. Elle avait l’impression d’être de retour dans les années quatre-vingt, quand le lave-vaisselle avait commencé à s’intégrer au sein de la cuisine. Sauf qu’entre un vulgaire lave-vaisselle et sa précieuse magie, le choix était déjà fait ! Elle alla ensuite faire sa toilette et se maquiller comme d’habitude, puis enfila son écharpe rouge, son long manteau de cuir et ses bottes afin de profiter de l’air extérieur comme elle se l’était dit. Et en effet, elle s’habillait chaudement car elle ne souhaitait pas retomber malade. Une fois, c’était agaçant ; deux fois, c’était stupide. Il y avait une limite à la bêtise, tout de même. Lorsqu’elle fut prête, elle sortit sans la moindre hésitation et se dirigea d’un pas rapide vers la forêt bordant Storybrooke. En plus, cela lui permettait de s’éloigner des habitants, ce qui était un plus, assurément. Malory et Anya étaient sans conteste deux rares exceptions : les habitants de Storybrooke la détestaient et si elle pouvait éviter de faire un face-à-face avec l’un d’eux, c’était tant mieux. Enfin, non pas qu’elle craigne un affrontement verbal, au contraire ; seulement, qui ne souhaite pas un peu de repos à un moment ou un autre ? Alors, les mains dans les poches de son manteau, Regina inspira et expira, nettoyant ses poumons de la maladie tandis que le vent frisquet fouettait son visage. Bientôt, ses pieds foulèrent le sol forestier. Les arbres aux couleurs chaudes l’engloutirent au fur et à mesure qu’elle s’avançait dans la forêt froide. Elle se souvenait des longues promenades dans cet endroit, en compagnie de Henry. Le jeune garçon, à l’époque, adorait jouer dans les feuilles mortes, surtout après un violent orage, car la terre était humide et molle. Regina s’y opposait fortement, bien sûr, car quelle horreur que de devoir nettoyer ses vêtements par la suite, cependant elle adorait l’entendre s’esclaffer et le voir sourire sous une pluie de mille feuilles rouges et oranges. C’était le bon vieux temps. Un temps révolu. Au bout d’un moment, Regina s’adossa sur un arbre probablement centenaire au vu de sa taille gigantesque. Elle devait l’avouer : cette petite marche lui faisait du bien. Godwinson avait eu raison. Normal, il était médecin et l’avait été avant que la malédiction ne le frappe. Forcément, il était compétent dans son domaine. Elle profita du silence ambiant pour écouter sa respiration, détendue pour une fois. Au moment où elle se détacha du tronc pour se remettre à marcher, elle aperçut une silhouette familière et un sourire mauvais vint aussitôt assombrir ses traits. « Vous avez décidément un don pour apparaître lorsqu’on s’y attend le moins, Miss Swan. » commenta Regina d’un ton à la fois aigre et moqueur, en croisant les bras. Elle faisait évidemment référence au moment actuel, mais aussi à l'arrivée inattendue d'Emma à Storybrooke ; mais ça, il n'y avait nul besoin de le préciser.

Regina & Emma

(hate this & i'll love you.)
- - - - - - - - - - ♢ - - - - - - - - - -

Ce n’était pas la première fois que la brune et la blonde se querellaient, loin de là. Neuf fois sur dix, c’était au sujet de Henry, bien évidemment. Qui d’autre ? Leur rencontre était même due au garçon. S’il n’était pas allé chercher sa mère biologique à Boston, jamais Regina n’aurait connu Emma. La blonde serait demeurée à jamais une pâle figure, menaçante mais lointaine. Inexistante, même. Et encore, ce n’était pas tout à fait exact, car si Emma n’avait pas eu le culot de débarquer en ville et de s’y installer, les craintes de l’ancienne reine la concernant ne se seraient pas éveillées. C’était, après tout, grâce à la potion d’oubli qu’elle avait bue que Regina avait pu connaître un semblant de bonheur lors de la malédiction. L’oubli contre le bonheur, qu’est-ce que ça pouvait faire ? Pourtant, récemment, ou plutôt il y avait de cela quelques mois, le bonheur s’en était allé. Henry avait retrouvé sa « vraie » famille – biologiquement, certes – et elle, eh bien elle se terrait en en cherchant un moyen de le récupérer. Elle avait retrouvé sa magie, ce qui était une bonne chose car quoi de mieux pour se défendre, et pourrait s’en servir pour atteindre son but, mais comment ? Elle pourrait aller voir Gold de nouveau pour chercher ses services et obtenir un sort ou un objet qui lui serait utile, mais à quel prix ? Non, il valait mieux faire cavalier seul que d’être redevable à cette crapule de première. La question était donc la même : que faire ?

Lorsque le sort noir avait été brisé, la population de Storybrooke n’était pas retournée là d’où elle venait, elle était restée prisonnière de la petite ville, Regina inclus d’ailleurs. Ils se retrouvaient en huis clos, tous autant qu’ils étaient, confinés dans Storybrooke, qui n’était plus figée dans le temps, mais dans l’espace. Quelle ironie. Et parlant d’espace, il fallait que dans tout le périmètre de Storybrooke, Regina Mills tombe sur Emma Swan, à nouveau, et que les choses s’enveniment davantage entre elles. La blonde se retourna vers elle, visiblement ennuyée. Peut-être avait-elle des problèmes à gérer les petits problèmes de la ville ? Quel dommage, Regina lui envoyait toute sa sympathie. Elle roula les yeux à la réponse du shérif, mais ne fit aucun commentaire. Se battre sur un sujet aussi puéril, jouer sur les mots comme ça, non merci, elle préférait passer son tour. À la question d’Emma, cependant, elle comprit qu’elle n’en avait pas fini avec cette passionnante discussion. Tout cela lui faisait perdre son temps, enfin ce n’était pas comme si ses journées étaient bien remplies non plus… Le regard d’Emma, lourd de méfiance, en disait bien plus long que sa question et ne fit qu’agacer le maire. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Qu’elle mettait au point un sortilège ô combien dangereux ? C’était absurde et stupide, si elle fomentait un plan machiavélique, pourquoi le faire dans la forêt alors qu’elle pouvait très bien le faire chez elle, dans le confort de sa grande maison, à l’abri des regards et des oreilles ? Décidément, la pomme ne tombait jamais loin du pommier, comme on disait, Regina venait d’en avoir la preuve.

« Comme si cela vous regardait, Miss Swan, » répondit-elle avec un sourire mauvais. Elle s’approcha de sa rivale avant de poursuivre : « Mais, si cela peut vous rassurer, je n’étais pas en train de préparer un mauvais coup. » Eh oui, il fallait le lui confirmer de vive voix, sans quoi elle serait bien capable de rapporter l’incident, si on pouvait qualifier cette rencontre d’incident, à ses parents, qui sauteraient comme d’habitude aux conclusions. Ils étaient si pressés de lui jeter le blâme sur tous les malheurs qui arrivaient dans cette ville que parfois, ils se fourvoyaient, inévitablement. Bien sûr, Emma n’avait que la parole de Regina et pourrait choisir de ne pas la croire. Mais qu’importe, au fond, si elle ne parvenait pas à convaincre la Sauveuse de la vérité ? « Remarquez que je pourrais tout aussi bien vous retourner la question. Que faites-vous ici ? » Elle était dans la forêt depuis un bon moment et rien de dramatique n’avait été à signaler pendant qu’elle y était, il n’y avait pas eu de combats ou quoi que ce soit de ce genre, alors qu’est-ce qui avait pu pousser la fille de Snow White à se promener en forêt ? Elle aussi, elle se remettait d’une vilaine grippe ? Non, quand même pas. « Ne me dites pas que briser la malédiction vous ait donné le goût de l’aventure et que, poussée par un soudain sentiment d’héroïsme, vous ayez décidé de défendre la veuve et l’orphelin ? J’ose croire que, malgré votre horaire ô combien chargé, vous prenez de temps en temps soin de mon fils ? » Oh, comme ce n’était pas gentil, Regina était encore en train d’attaquer quelqu’un qui ne lui avait, techniquement, fait aucun mal – ou presque. Eh oui, mais au moins, elle ne prenait personne par surprise, elle faisait ce qu’on attendait d’elle : elle jouait le rôle du vilain.