Regina & Mr Gold.

Lorsqu’elle se réveilla ce matin-là, Regina regretta l’absence de Henry, le garçon qu’elle avait élevé pendant dix ans. Couchée sur le dos, la brunette fixait le plafond d’un regard vide, dénué de toute émotion. C’était complètement injuste de savoir que cette damnée Emma Swan prenait soin de son fils à sa place, mais ce qui l’était encore plus, c’était de ne rien pouvoir y changer. Regina, en ce moment, était une épave, partie à la dérive depuis la fin de la malédiction. Elle n’avait pas rêvé, elle avait bien vu la magie envahir Storybrooke peu de temps après la malédiction et pourtant, elle se trouvait encore impuissante. Elle avait essayé, oh bien sûr qu’elle avait essayé. Une boule de feu miniature, la lévitation d’objets, en bref des sorts minimes qui ne requéraient peu de puissance, mais ses pouvoirs ne marchaient pas comme elle le souhaitait. C’était étrange, perturbant. Frustrant. Sans sa magie, Regina se sentait démunie, comme si on lui avait coupé un membre vital. Car c’était bien cela, la magie était devenue une partie d’elle-même ; c’était son seul moyen de défense, elle en avait besoin. La magie était devenue sa drogue. Et juste au moment où elle en avait le plus besoin, elle ne pouvait y avoir accès. À tout moment, les habitants de Storybrooke pouvaient venir chez elle et lui faire regretter tout ce qu’elle leur avait fait dans la Forêt Enchantée. D’ailleurs, elle s’étonnait qu’un tel événement ne se soit pas encore produit. C’était peut-être ce qu’on appelait « le calme avant la tempête » ; en tout cas, si cela devait avoir lieu, Regina se consolait en se disant que Henry ne serait pas présent pour assister au spectacle. C’était bien la dernière chose qu’elle souhaitait ; qu’il la voie en position de soumission, sur le point d’être exécutée. Elle imaginait la scène, elle imaginait Swan rassurer le garçon d’une gentille pression sur l’épaule, lui chuchoter qu’il n’avait pas à regarder, qu’il pouvait détourner la tête au dernier moment pour ne pas voir… Regina secoua la tête. Elle ne devait pas penser à de telles horreurs. Elle devait faire quelque chose pour remédier à sa situation.

La brunette se leva donc, en soupirant au passage, et vit qu’il n’était que huit heures et quart. Elle se demanda si les Charmings étaient déjà levés à cette heure. Peut-être avaient-ils passé une nuit blanche à se demander comment faire pour rentrer chez eux, à la Forêt Enchantée. Ce serait bien leur genre. Maintenant qu’ils s’étaient tous retrouvés – oh, le jeu de mots – ils devaient sans doute avoir hâte de retrouver leur ancienne terre. Ils emmèneraient avec eux Emma, et Henry. Henry… Regina serra les poings. Non, elle ne laisserait pas ses ennemis emmener son fils loin d’elle. Elle ne le supporterait pas. Voilà pourquoi elle se devait, entre autres, de récupérer sa magie. Et complètement, s’il vous plaît, elle ne voulait pas d’une magie défaillante. Le problème, c’est qu’elle ne savait pas comment s’y prendre. Le seul homme – mais pouvait-il être toujours considéré comme un homme ? –  qui pourrait lui fournir des réponses à ses questions était son ancien mentor, Rumplestiltskin alias Gold. Sauf qu’aller le voir revenait à ramper vers lui et à ressortir de sa boutique avec une dette à lui rembourser dans un futur proche. Elle ne le connaissait que trop bien, avec lui il fallait toujours payer, payer, payer… Quel radin. Donc, non merci, la Maire se passerait bien de ses services.

Pour se changer les idées, Regina décida d’aller se balader à l’extérieur. C’était peut-être suicidaire puisque les habitants voulaient sans doute l’écarteler, la lapider ou la brûler vive – ou les trois à la fois, qui sait – mais elle était prête à prendre le risque. Après tout, comme il était relativement tôt, surtout pour un jour de week-end, il n’y avait guère de risque qu’elle tombe sur quelqu’un, et puis, d’un autre côté, le fait qu’elle soit demeurée dans sa maison, qui n’était en rien protégée, n’était-il pas aussi dangereux que se promener dehors ? Grand sujet philosophique à méditer. Elle alla prendre une bonne douche chaude, puis enfila un pull à col roulé, une paire de pantalon noir toute simple ainsi que ses habituelles bottes noires. Vive le noir. Elle ne se fit pas de petit-déjeuner, se disant qu’elle mangerait à son retour et sortit enfin à l’extérieur. Un vent frisquet soufflait sur Storybrooke ce matin, mais cela n’arrêtait pas la femme, qui se mit à déambuler dans sa ville sans but précis. Oui, sa ville, même si elle ne la contrôlait désormais plus, ses ennemis s’en chargeant à sa place. Se changer les idées, voilà ce qu’elle voulait faire. Ne pas penser à Henry, ni aux Charmings, ni à quiconque. Les mains dans les poches de son manteau et les sourcils légèrement froncés, Regina ne se rendit pas tellement compte qu’elle venait d’arriver à la Grande Place. Déserte, naturellement. Elle balaya son regard désintéressé sur son environnement. Non, malgré que la malédiction ne soit plus en place, le décor n’avait pas changé. À croire qu’il y avait bel et bien des choses immuables dans ce monde. Regina leva les yeux vers la mairie, située tout près. Des graffitis s’étaient ajoutés sur la porte d’entrée depuis la dernière fois qu’elle était passée. Quelle importance, désormais ? songea-t-elle en roulant les yeux. Soudain, elle sentit une présence dans son dos et fit volte-face, les yeux plissés de méfiance. « Toi… » murmura-t-elle en sursautant malgré elle lorsqu’elle reconnut avec plus ou moins de soulagement celui à qui elle avait pensé ce matin ; le seul et l’unique Rumplestiltskin, debout devant elle. Immobile. « Qu’est-ce que tu viens faire par ici ? » s’enquit-elle simplement d’une voix sèche, n’ayant guère l’envie de se perdre dans une petite guerre verbale.

Magic can do much

Quand les rêves prennent-ils fin ? En général, lorsque la personne qui rêve réalise que c'est un rêve. Cela se produit juste avant le réveil du dormeur. Mais parfois, ces rêves sont tellement poignant qu'on voudrait ne pas ouvrir les yeux. Rester dans ce monde fictif que notre cerveau a tissé, s'accrocher à cette chimère si douce et si merveilleuse... Garder les yeux fermés. Se rendormir. Mais les rêves ne sont pas la réalité... Dommage. Il fallait se lever, oublier et avancer. Mes rêves, à moi, étaient toujours les mêmes. Enfin presque... Ils avaient un thème commun, mais survenaient de façons différentes. Ils se mélangeaient parfois à de douloureux cauchemars. Mais en règle générale, ils se tintaient de bonnes notes. Mais cela était d'autant plus douloureux lorsqu'ils se terminaient. Dans ces rêves, je marchais seul sur une route déserte, au crépuscule. Le crépuscule était systématique, que je me trouve dans une maison, sur cette route déserte, dans ma boutique, ou ailleurs. La nuit tombait doucement tandis que le soleil déclinait à l'horizon, et les ombres s'étiraient de plus en plus, comme si elles essayaient de s'enfuir, de s'arracher à leurs objets qui les retenaient prisonnières. J'ignorais tout à fait pourquoi je me retrouvais plonger dans ce décore crépusculaire. Sans doute parce que celui-ci était lié à la mélancolie. Qui n'a jamais ressenti une certaine sérénité, ou une certaine tristesse à ce moment de la journée, lorsque notre âme est déchirée entre Ombre et Lumière ? Quoiqu'il en soit, je ne restais jamais seul très longtemps. Je marchais sur un ou deux kilomètres – sans canne mais toujours vêtu d'un costume à cravate – avant d'apercevoir une silhouette. Cette silhouette m'était familière. Elle restait immobile mais plus je m'approchais, plus je savais de qui il s'agissait. Je ne voyais jamais son visage. Mais c'était lui. C'était Baelfire, mon fils. Je le retrouvais enfin. Je m'excusais alors, toujours, la gorge nouée par l'émotion. Et Bae ne disait rien, mais il me prenait dans ses bras et nous nous enlacions pendant ce qui semblaient être de longues minutes. Parfois, je me réveillais à ce moment-là, mais d'autres fois, ce doux rêve idéalisant mes espérances se transformait en cauchemar. Bae me repoussait et une voix spectrale sortait de sa bouche, me jetant à la figure de birbes de reproches. J'étais alors téléporté dans le monde des contes, redevenu Rumplestiltskin le Ténébreux, près à sauter dans le tourbillon magique en compagnie de mon fils. Je voulais le faire, je voulais lâcher ma dague et le rejoindre. Mais au lieu de ça, impuissant à changer les événements passés, je lâchais sa main. Et le tourbillon se refermait sur son visage terrifié.

Fin de l'histoire, au revoir, rideau.

Ce matin-là, je me réveillais en sursaut, les yeux rivés sur le plafond de la chambre que je partageais avec Belle depuis que je l'avais retrouvé. Mon cœur battait excessivement vite au fond de ma poitrine et je glissais discrètement un regard dans la direction de la jeune femme qui partageait mon lit. Elle dormait paisiblement. Tant mieux, je n'avais pas la moindre envie d'entamer une discussion avec elle. Aucune envie de partager tous mes secrets. La solitude était devenue ma meilleure amie au fil des années, et mes vieilles habitudes ne partaient pas facilement. Je ne pouvais pas me livrer comme ça sur ce que j'avais enfoui au plus profond de moi-même. Ici je n'avais plus la même excentricité que jadis, au royaume des contes, et ne pouvais donc pas compter sur elle pour me tirer des situations embarrassantes avec un rire et des petites cabrioles. Dommage... C'était plutôt pratique, je devais l'admettre. Notre relation avait toujours été douloureuse, de toute façon. Ca ne changeait pas. Hormis le fait que l'on puisse s'embrasser et... Autres choses... Rien ne changeait. Elle voulait que je devienne quelqu'un de Bien, qui renoncerait à sa magie... Elle me rappelait Bae. Sauf que je ne le pouvais pas. Pas tant que je n'avais pas retrouvé mon fils. Je n'avais pas fait tout ça pour rien, quand même ! Des années, et des années de préparation... Sur deux générations : Cora et Regina. En parlant de Regina, je ne voulais plus jamais la voir. Ou alors la voir pour l'étrangler de mes propres mains... A la mention de son nom, une rage sans nom m'envahissait. Elle avait osé me faire croire que Belle s'était suicidée pour ensuite l'enfermer dans cet asile pendant vingt-huit années. Un geste tout bonnement impardonnable. N'y pense pas, Gold, où tu vas encore t'énerver. Il est inutile de réveiller Belle, elle va encore te poser des questions. Oui, c'était une sage décision.

Je me levais le plus souplement que je le pus et attrapais ma canne posée contre le table de nuit. Je remis la couverture en place afin que Belle n'ai pas froid et me dirigeais jusqu'à la salle de bains en clopinant. Je pris une douche plutôt chaude : le temps me semblait plutôt frisquet au-dehors. Je m'habillais de l'un de mes éternels costumes élégants et allais dans la cuisine où je pris un bol de céréale. Des corn-flakes pour être plus précis. Mais passons les détails ! J'avais des choses plus importantes à faire que de manger des céréales ! Je devais me rendre en ville. Pourquoi ? Pour voir un peu comment évoluait la situation, comment les gens réagissaient. Cela m'intéressait-il ? Un peu. Si je voulais continuer à contrôler la situation, je devais me tenir au courant. Ensuite j'irais dans ma boutique, comme d'habitude, cela ne changeait pas ! Ah les habitudes, la routine... J'aimais bien... Car ma vie ne manquait pas d'action et j'avais hâte que tout ça soit terminé. Que je retrouve Bae... Et que tout se finisse bien. Je vous en prie, que tout ce finisse bien... Mais d'un autre côté, méritais-je une fin heureuse, moi qui avais passé une grande partie de ma vie d'immortel à ne servir que mes propres intérêts, faisant le bien par-ci, le mal par-là ? Bien sûr que j'y ai le droit ! Oui, bien sûr ! Je descendis les escaliers et sortis de mon manoir pour prendre la voiture et conduire jusqu'à la ville. Il était encore assez tôt, rares devaient êtres les habitants de Storybrooke dans les rues... Je garais ma voiture non loin de la place de l'Horloge dans l'intention d'aller chez Granny prendre un café. Après tout, les gens « normaux » allaient dans ce genre d'endroit pour entendre les ragots, non ? Bien qu'on ne me dirait probablement rien du tout. Et oui... Les gens se rappelaient de moi et de toutes les horreurs que j'avais pu commettre. Pour eux j'étais un fléau... Pourtant je les avais aidés, au fond. Ils ne s'en rendaient pas compte, tout simplement. Je descendais et commençais tranquillement ma marche. La place était déserte, bien entendu ! Enfin presque... Mon regard fut immédiatement attiré par la seule personne présente en ces lieux. Et il avait fallu que cette seule personne soit Régina. Cruelle destin ! J'arrêtais ma marche et m'appuyais sur ma canne, la fixant dans son dos, immobile. Je savais qu'elle finirait par se retourner, qu'elle sentirait ma présence, mon regard perçant et rancunier. Je n'avais pas tort. Elle se retourna. J'eus le droit à un « Toi ? ». Déçue ? En tout cas, j'eus la satisfaction de la voir sursauter. Avait-elle peur ? En tout cas elle devrait... Et puis j'eus ensuite le droit à un ton sec et impatient. Je fronçais légèrement les sourcils, sentant la colère remonter en moi petit à petit. Du bout des lèvres, m'efforçant de rester calme, je répondis simplement :

« Eh bien de toute évidence je fais la même chose que vous : je me promène. C'est interdit, "Votre Majesté" ? » je réussis à afficher un sourire plein de sarcasme et d'hypocrisie sur mon visage. Sourire qui contenait toute ma rage. J'aurais très bien pu passer mon chemin mais maintenant que nous étions face à face, autant étaler les choses que la question soit réglée. Moqueur, je m'enquis : « Alors, qu'est-ce que ça fait d'être le maire déteste de Storybrooke ? Votre petite vie s'effondre, votre fils ne vous parle plus... Comme ce doit être douloureux. mon ton n'était absolument pas compatissant mais tranchant comme la lame d'un rasoir. Je ne bougeais toujours pas, immobile, appuyé sur ma canne. Seul mon visage semblait en mouvement. J'avais toujours était un homme extrêmement expressif dans mes mimiques. Et sur mes traits n'apparaissaient que hargne et dédain. Celle qui avait été jadis mon apprentie était maintenant l'une de mes pires ennemie. « Vous êtes-vous sentie puissante en enfermant Belle, en la séquestrent durant vingt-huit ans, et sûrement plus, je ne compte pas les années dans le monde des contes ? Cela vous a-t-il procuré le plaisir intense de contrôler les choses quoiqu'il arrive ? Parce que si je peux vous rassurer, dearie, vous ne contrôliez strictement rien ici, dans cette ville. Tous vos petits pantins m'étaient redevables à moi, et non à vous. Cette ville est ma possession et non la vôtre. Qui a tout l'argent ici ? Qui possède chaque parcelle de terrain jusqu'au fin fond des bois ? » mon débit de paroles était de plus en plus rapide. Je la haïssais tellement ! Et pourtant, bien que mon ton soit hargneux, je n'élevais pas la voix. Elle restait posée, d'une froideur presque terrifiante. Je plissais légèrement les sourcils, et la fixais droit dans les yeux. Sans doute allait-elle ricaner, méprisante, n'acceptant pas de voir la réalité en face – celle où j'étais le maître du jeu – ou alors peut-être partirait-elle simplement. Mais j'avais des arguments qui pouvaient lui faire fermer son clapet, comme le sujet délicat d'Henry... « Au fait, comment va votre fils ? » sourire horriblement glacial.

Regina & Mr Gold.

À une époque, à une très lointaine époque fallait-il préciser, Regina craignait Rumplestiltskin, c’est vrai. La première fois qu’elle l’avait vu, elle avait été désarçonnée par son physique étrange et monstrueux, mais la bête dégageait une espèce d’aura irrésistible, qui incitait les gens à accepter toutes sortes de marchés avec lui. Personne ne semblait lui faire vraiment confiance, mais personne ne refusait un refusait un service de sa part lorsque nécessaire… surtout lorsque nécessaire. Les conséquences ? De ce que Regina en savait, les gens s’en moquaient. Ils voulaient tellement résoudre leurs petits problèmes et s’extirper de leur misère qu’ils étaient prêts à tout. Regina en savait quelque chose ; elle aussi, elle était passée par là. Comme tous ceux qui avaient fait affaire avec Rumple, elle avait succombé à la facilité de ses solutions. Il lui avait suggéré de pousser sa mère à travers le miroir et cela lui avait semblé si facile qu’elle avait accepté, poussée par sa rancœur envers elle. Tout semblait si simple avec Rumplestiltskin. Et puis après, bien sûr, il fallait en payer le prix : son innocence, sa joie de vivre, sa famille… Bref, n’importe quoi pouvait faire l’affaire, tant que c’était quelque chose de précieux ou d’utile à ses plans diaboliques. Se débarrasser d’une souffrance pour en créer une nouvelle ; voilà ce qui se passait à chaque fois avec ce petit diablotin vert. À présent, Regina ne le craignait plus. Non, elle était tout simplement agacée qu’il soit encore en vie après tout ce temps. Il avait beau lui avoir appris à se servir de sa magie de la plus vile des façons, cela ne la rendait absolument pas reconnaissante. C’était à cause de lui qu’elle était devenue ce qu’elle était, quand on y réfléchissait et lorsqu’ils se croisaient, Regina ne ressentait que du dégoût lui remonter dans la gorge. De son côté, elle n’était pas vraiment innocente non plus ; elle avait emprisonné sa petite Belle et avait affirmé à Rumple qu’elle s’était enlevée la vie. C’était une juste vengeance de ce qu’il lui avait fait, tout simplement.

Regina plissa les yeux en s’apercevant que, non, elle ne rêvait pas ; c’était bien Rumple qui se trouvait devant elle. Elle devrait peut-être l’appeler Gold, maintenant qu’il n’avait plus grand-chose de la bête qu’il était, si ce n’était sa malice et son obsession des marchés fourbes. Elle se demanda avec un léger amusement s’il considérait son nouveau physique comme plus agréable qu’à la Forêt Enchantée, s’il lui était plus facile et supportable de se regarder dans la glace le matin. Si elle était de bonne humeur, elle lui aurait sans doute posé la question, simplement pour l’énerver un peu et le rabaisser au passage, mais comme ce n’était pas le cas, elle se dit qu’elle le supporterait comme elle pourrait, espérant qu’il s’en aille le plus vite possible. Elle pourrait toujours elle-même s’en aller, mais cette rencontre n’était peut-être pas un fruit du hasard, peut-être que le Destin essayait de lui dire qu’elle pourrait enfin comprendre pourquoi sa magie ne fonctionnait pas correctement. Gold avait sans doute des réponses, il en avait toujours. Mais serait-il enclin à les lui fournir ? Rien n’était moins sûr ! La Méchante Reine était cependant prête à essayer, même si pour cela, à son plus grand regret, elle serait contrainte de marcher un peu sur son orgueil.

Regina s’aperçut vite que, malgré sa voix calme et son petit sourire hypocrite, Gold bouillait de rage. Elle demeura impassible à sa question, dévisageant son interlocuteur sans mot dire. Ne pas répondre à la provocation, il ne fallait pas répondre à la provocation. Malheureusement, son ennemi semblait prendre un malin plaisir à tenter de réveiller le volcan. Son regard se figea un instant à la mention de Henry. Elle claqua la langue. « Viens-en au fait, au lieu de me faire perdre  mon temps. » Avoir su qu’elle tomberait sur lui, Regina serait probablement restée chez elle ce matin, ça c’est sûr. Soudain, l’avalanche se mit en branle et il l’accusa d’avoir enfermé Belle. Il précisa même au passage qu’il était plus puissant qu’elle ; merci, Gold, pour cet utile mémo. En tout cas, il en savait plus qu’elle ne le pensait, ce n’était pas bon pour elle. D’un autre côté, elle se fichait bien qu’il soit plus riche qu’elle et tout ; contrairement à lui, elle n’avait pas besoin que toute la ville lui soit redevable pour se sentir importante. Le plus important, à ses yeux, était Henry. Son garçon. Elle n’essaya pas de nier que sa chère et précieuse Belle était finalement toujours vivante, ce serait futile. Il parlait de plus en plus vite, arrachant un sourire froid de la part de Regina. Elle regarda ailleurs un moment, puis revint à lui. « L’argent ? Les propriétés ? Storybrooke ? Crois-tu vraiment que cela a encore de l’importance, à présent ? La malédiction est brisée, les gens se souviennent. À moins que tu n’aies quelque chose en tête, tes pantins ne te serviront pas à grand-chose. » Oui, il avait forcément quelque chose en tête, c’était de Rumplestiltskin qu’il s’agissait ; mais Regina ne pouvait absolument pas savoir ce qui se tramait dans sa drôle de tête. Ils se regardèrent tous les deux dans les yeux, la haine dans ceux de Regina se reflétant dans ceux de Gold, et vice-versa. Puis, sautant du coq à l’âne, il aborda le sujet de Henry. Quel salaud ! Il savait, oh bien sûr qu’il savait que c’était un sujet qui faisait mal. Comme tous les habitants de Storybrooke, il était au courant de l’attitude du garçon envers sa mère adoptive. Regina s’avança d’un pas menaçant vers lui. Sa voix était devenue aussi glaciale que la sienne lorsqu’elle siffla, détachant chaque syllabe : « Ne me parle pas de mon fils. » Gold pouvait l’énerver avec son passé, sa foutue malédiction, mais pas Henry. Henry était sacré. Mais bien sûr, Gold ne pouvait pas comprendre ; à sa connaissance, il n’avait pas d’enfants. Elle s’empressa de  changer de sujet pour en venir à ce qui l’intéressait : « Parlons plutôt d’un sujet qui nous concerne tous les deux, veux-tu ? J’imagine que tu sais que la magie est arrivée à Storybrooke ? » En fait, elle avait un petit doute comme quoi c’était lui qui était à l’origine du phénomène, mais elle se garda pas de partager ses soupçons avec lui.

Regina & Mr. Gold

La voir sur la défensive était presque mignon. Elle pensait que maintenant que la malédiction était levée, l'argent, les terres, et tout ce qui allait avec n'avait plus d'importance ? Elle se fourrait le doigt dans l'œil. Elle se l'était toujours fourré, de toute façon, le temps n'y changeait rien. Mon sourire glacial resta figé sur mon visage. Mes pantins, comme elle disait, m'étaient redevables, pour la plupart. Et c'était ça le plus important. Je pourrais leur demander n'importe quoi, ils me devaient au moins un service. Et ça, Regina ne pouvait pas s'en vanter. Elle n'avait jamais vraiment compris toute la subtilité des marchés et des contrats. De plus, et ce même si elle se creusait les méninges, elle ne parviendrait jamais à savoir ce que j'avais vraiment derrière la tête. Elle ne connaissait rien de moi, rien de ce que je pouvais prévoir. J'étais assez imprévisible, tout compte fait... Et je veillerais à ce que les choses restent ainsi. Hors de question qu'elle sache des détails sur ma vie. C'était peut-être pourquoi je ne racontais rien à Belle. Mes secrets ne devaient pas être partagés. Je ne dirais rien, même sous la torture, mais les autres pouvaient toujours le faire... Passons. J'avais réussi à toucher sa corde sensible. Elle, elle était bien trop prévisible. On lui avait pourtant enseigné, tout au long de sa vie, que l'amour était une faiblesse, non ? Et pourtant elle en faisait preuve envers Henry. Mais les enfants sont des êtres à parts, j'imagine. Elle s'avança d'un pas, d'un seul, menaçante. La ressemblance avec une mère poule protégeant son nid était flagrante. Cela aurait pu me faire rire, en d'autres circonstances. Mais j'étais bien trop haineux pour esquisser un sourire amusé. A l'époque, dans le monde des contes, sous mon visage de Rumplestiltskin, je l'aurais sûrement fait. Accompagné d'un rire. Mais comme je l'avais déjà dit, je n'étais plus exactement le même homme. Bref... La comparaison aurait pu se faire avec bon nombre d'autres animaux mais je n'allais pas me fatiguer à en chercher des moins flatteuses.

Oh ! Quelle vilaine, elle esquivait les sujets qui ne lui plaisaient pas. En fait, elle n'avait rien relevé sur Belle. Elle avait compris qu'il était inutile de nier. Mais si je l'avais interpellé ce n'était pas pour parler de ce qui l'intéressait, mais de ce que j'avais à lui dire, moi. Et je compris rapidement qu'elle avait besoin de savoir des choses... Un sourire presque énigmatique se dessina sur mes traits, remplaçant leur froideur durant quelques instants. Si je savais que la magie était de retour à Storybrooke ? Non, non, je l'ignorais. Bien sûr, que je le savais ! C'était moi qui avais ramené la magie ici... Oh ! Mais ça, elle n'en était pas au courant. Quelque chose aurait échappé à madame le maire ? Ou plutôt... A sa Majesté ? Cette fois, ce fut un sourire amusé qui apparut sur mes lèvres, malgré la colère qui bouillonnait toujours en moi. Je fis preuve d'un peu plus de calme et plongeais mes yeux dans ceux de Regina. Pauvre petite... Elle était si ignorante et refusait d'aller me voir car ce qu'elle était devenue était de ma faute. Tout avait été calculé, elle ne le savait pas non plus, ça... Mieux valait que tout le monde l'ignore, en fait. Et tout le monde l'ignorerait. Je m'avançais d'un pas dans sa direction, d'un seul, comme elle l'avait fait avec moi, et m'arrêtais, appuyé sur ma canne. J'aurais bien aimé que la magie m'enlève mon boitement insupportable, comme autrefois, mais malheureusement, ici, la magie n'était pas la même. Elle était plus... Subtile, dure, et surtout imprévisible. Mais j'en avais besoin pour retrouver Bae.

Ayant noté son tutoiement, je décidais d'en faire de même. Après tout, au stade de notre relation, les politesses n'étaient plus de vigueur, n'est-ce pas ? « Tu as une capacité presque innée à éviter les questions et les sujets qui t'embarrassent, à ce que je vois. elle avait été à bonne école puisque je faisais exactement la même chose. Pour ce qui est de la magie, je suis au courant, en effet... je plongeais mes yeux dans les siens, essayant de lire dans l'essence même de son âme – ce qui m'était, bien sûr, impossible. Je suppose que tu as quelques questions à me poser. Que tu veux des renseignements ? Pour toi, même ce genre de choses ont un prix... Je suis sûr que tu as pesé le pour et le contre et que c'est pour ça que tu n'es pas encore venue me voir. Je me trompe ? je savais que non, je ne me trompais pas. Elle ne voulait pas m'être redevable, elle ne voulait pas payer quoique se soit et encore moins passer un marché avec moi. Mais alors elle resterait dans l'ignorance. J'étais un peu mesquin sur ce coup-là, car il n'y avait pas grand chose à savoir hormis le fait que la magie était différente et imprévisible, contrairement au monde des contes. Marchons, veux-tu ? A moins que tu aies peur que les habitants ne te voient en ma compagnie, ce qui aggraverait ton cas un peu plus... Je me demande ce qu'ils ont prévu de faire. Brûler ta maison, peut-être, pour commencer ? je lui fis un sourire moqueur avant d'ouvrir le bras devant moi, l'invitant à marcher. Dis-moi ce que tu veux savoir et ne tourne pas autour du pot, « Majesté », j'ai d'autres chats à fouetter. »

Spoiler:

Regina & Mr Gold.

Le principal problème avec les marchés de Rumplestiltskin, c’était que le drôle de bonhomme avait toujours une longueur d’avance sur tout le monde et qu’il prenait soin de ne laisser tomber la moindre information, de valeur ou non, à ceux avec qui il faisait affaire. Il s’amusait avec les gens dans le besoin, à sa guise et sans sembler avoir de but précis. S’il en avait un, il le cachait très bien, Regina lui accordait cela. Il avait peut-être été son professeur à une époque, mais elle n’avait pas récolté grand-chose à son sujet, voire rien du tout. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’il était un as en magie noire, qu’il avait un faible pour les marchés et qu’il en pinçait drôlement pour Belle, une jeune femme naïve et amoureuse, le parfait pion somme toute. Si la brunette ignorait les réels sentiments du Ténébreux au sujet de cette nymphe des bois, elle se doutait qu’il avait besoin d’elle, d’une façon ou d’une autre. Parce qu’il était aussi amoureux d’elle, parce qu’il la voulait pour l’un de ses plans tordus ; qu’importait, cette petite était nécessaire à Rumple et l’avoir enfermée dans un hôpital pendant vingt-huit ans n’avait dû que lui nuire. Et c’était le cas, Regina s’en rendait bien compte à son attitude vengeresse. Car c’était bien cela dont il s’agissait : une espèce de vengeance sournoise pour lui avoir fait croire que Belle n’était plus. Regina était bien placée pour savoir qu’en « faisant le mal », on récoltait le mal tôt ou tard, mais à l’époque, elle ne s’en souciait guère. Aujourd’hui, bien sûr, les choses étaient différentes ; elle apprenait à payer le prix de la magie et ce prix s’avérait être la confiance et l’amour de Henry. Le garçon, malin et droit, voyait d’un très mauvais œil les cœurs arrachés et les mensonges et ne semblait pas porté à lui pardonner tout ce qu’elle avait fait à sa chère famille. Non pas que Regina se souciât de l’opinion des autres à son égard ; tout ce qui lui importait, au péril de radoter encore et encore le même discours, était Henry. Que ne ferait-elle pas pour son enfant, ou plutôt qu’est-ce qu’un parent ne ferait pas pour son enfant, là était la grande question, n’est-ce pas ? Mais Regina ne possédait pas encore toutes les cartes du jeu pour réaliser toute l’ironie de sa question.

Évidemment qu’elle se doutait qu’il était au courant du retour de la magie. Tous les habitants de la petite ville avaient été témoin, il y avait quelques jours, de la fumée mauve foncé qui avait engouffré tout sur son passage, mais seuls les sorciers avaient probablement compris du premier coup ce dont il s’agissait réellement. Or, comme l’être fourbe en face d’elle faisait partie de cette catégorie, la question de Regina devenait une simple question de pure rhétorique. La brunette ne fléchit pas une seconde devant le regard scrutateur de l’antiquaire. Elle était habituée à recevoir de tels regards haineux, surtout en tant que souveraine du Royaume de la Forêt Enchantée, mais aussi en tant que Maire de Storybrooke, un titre qui ne lui semblait plus aussi prestigieux qu’avant. Après tout, l’avenir de la petite ville ne tenait qu’à un fil désormais, car il semblait clair que la majorité des gens chercheraient un moyen de rentrer sains et saufs chez eux. Il n’y aurait pas grand monde qui bondirait de joie si on leur annonçait qu’ils étaient condamnés à vivre le reste de leurs existences dans un monde étranger ; malheureusement, c’était bien ce qui semblait se profiler à l’horizon pour eux. Regina n’avait pas encore vraiment réfléchi à la question, mais elle ne savait pas du tout comment faire pour corriger ce qu’elle avait fait et renvoyer tout le monde dans la Forêt Enchantée. Gold avait peut-être une petite idée sur le sujet, mais quelque chose lui disait qu’il ne serait guère enclin à leur offrir gratuitement son aide. Comme d’habitude.

« Effectivement, je ne suis pas venue te voir plus tôt, comme tu dis, que parce que je n’en éprouvais guère l’envie ; je suis sûre que tu peux comprendre mon sentiment. D’ailleurs, cette discussion n’est due qu’à un malheureux fruit du hasard, au cas où tu ne l’aurais pas compris et comme j’ai effectivement besoin de renseignements, je me vois forcée de me tourner vers toi. Comprends par là que le plaisir est moindre. » Gold était certes le seul à pouvoir le renseigner sur ce qui se passait côté magie, mais Regina n’était techniquement pas été le voir, c’était lui qui avait surgi de nulle part et qui lui proposait de l’aider en échange d’un prix encore inconnu. Comme il l’avait lui-même dit, il supposait qu’elle avait des questions à lui poser, ce n’était pas elle qui lui avait expressément demandé un coup de main. Cela dit, cela revenait grosso modo au même, Gold présentait simplement les faits à sa façon, pour l’avantager. Là non plus, elle n’était pas surprise. Le maire fronça les sourcils devant l’ostensible tentative de son ennemi de l’exaspérer davantage. Parler de Henry comme à l’instant aurait pu fonctionner, mais sa maison… Non, ça, ce n’était pas aussi important. Et puis, Blanche-Neige et sa clique empêcheraient la ville de commettre un geste irréparable et irréversible au nom de « ce qui était juste » ; Regina connaissait suffisamment bien leur credo pour avancer une telle théorie. Gold pouvait essayer, elle ne s’emporterait pas pour si peu. Mine de rien, elle avait appris à calmer et dompter ses violentes impulsions en vingt-huit ans, elle prenait davantage son temps avant de poser un geste. Regina haussa les épaules, comme si elle défiait ouvertement les habitants de Storybrooke de s’en prendre à elle, puis calqua son pas sur celui de son ennemi en emmitouflant ses mains dans les poches de son manteau. « Alors c’est une bonne chose que nous soyons deux dans ce cas. » répliqua-t-elle aussitôt. Elle reprit au bout de quelques secondes : « Certes, la magie est là, mais il s’avère qu’elle est imprévisible et pratiquement incontrôlable ; quelle en est la raison ? » Elle s’arrêta soudain de marcher et tendit sa main, paume ouverte, vers une cible imprécise devant elle ; une boule de feu se forma presque instantanément, mais mourut un instant plus tard et cela n’avait rien à voir avec la légère brise qui soufflait sur la Grande Place. « Tu vois ? » fit-elle, agacée, après lui avoir montré ce qu’elle voulait dire. Sa magie ne fonctionnait pas correctement et il était malheureux que la seule personne qui puisse lui porter secours se trouvât à être Rumplestiltskin.

Spoiler:

Regina & Mr. Gold

Nous commençâmes à marcher d'un pas plutôt lent. Je n'avais pas envie de me presser, à quoi bon ? Autant ne pas demander trop d'efforts à ma jambe déficiente ! J'étais satisfait. Je contrôlais la situation, et elle allait chèrement payer ce qu'elle avait fait à Belle... Et ce qu'elle m'avait fait subir d'une pierre deux coups. Bien sûr, la discussion que nous avions été le fruit du hasard, mais comme on dit le hasard fait bien les choses. Enfin... Pas toujours. La magie a toujours un prix, Regina était en train de payer pour le sort qu'elle avait lancé. Moi ? J'avais déjà payé longtemps auparavant. Maintenant j'allais récupérer ce qui m'appartenait, comme je l'avais protégé jadis avant de le laisser tomber. Je parlais de mon fils, bien entendu. Mon petit Bae. Si Regina se doutait de tout ça, la situation aurait pu être fort ironique, car elle aussi faisait beaucoup de choses pour Henry maintenant qu'elle s'y était attaché. Amusant... Je gardais les yeux fixés devant moi, tâchant d'écouter d'une oreille plutôt distraite les paroles de Regina. Elle brassait dans le vide, comme d'habitude. Quand elle était apprentie, déjà, elle avait tendance à mouliner pour ne rien dire. Et blablabla et blablabla. Enfin, c'était un art que je possédais également, donc je n'avais pas de reproche à lui faire. La jeune femme s'arrêta soudainement et je fis de même, intrigué. Voulait-elle déjà me fausser compagnie ? Pourtant elle avait grandement besoin de mes conseils avisés, je le savais. Bien sûr, ils n'étaient pas gratuits, mais toutes âmes désespérées avançaient inexorablement vers moi et passaient un contrat qu'elles le veuillent ou non au fond d'elles-mêmes. Regina était l'une d'elles, une fois encore. Et le hasard l'avait conduit jusqu'à moi... Mais même sans ça, je savais qu'elle serait venue me trouver un jour ou l'autre. Le mystère l'aurait rongé petit à petit jusqu'à la dévorer, et elle aurait craqué. C'était inévitable... Et peut-être qu'elle ne regretterait pas mon aide, au final. Mais ils la regrettaient toujours car les contrats étaient signés à mon avantage et non au leur. Il n'y paraissait pas, bien sûr : un bon marchand vente toujours la qualité de ses produits, qu'ils soient bons ou pas. Je ne manquais jamais ma parole : j'avais respecté tous les marchés que j'avais conclus – sauf un, le plus important – ce n'était tout de même pas ma faute si les gens ne prêtaient pas assez d'attention au sens des mots... Les mots... C'était si facile de jouer avec ! Toute une subtilité.

Je regardais Regina, un peu intrigué, il faut bien l'avouer. Elle tendit sa main devant elle, paume vers le haut, et une petite flamme y naquit. Elle vacilla pendant quelques secondes avant de s'éteindre comme soufflée par une brise de vent inexistante. J'aurais pu me moquer d'elle ouvertement, mais je me contentais d'un petit sourire amusé, rien de plus, rien de moins. Elle ne comprenait pas parce qu'elle était trop impatiente. Lorsqu'une chose ne marche pas, on veut qu'elle marche, on s'acharne, et finalement, nos nerfs lâchent en même temps que notre patience et c'est un cercle vicieux qui n'en finit plus. Il fallait également une dose de confiance en soi. La magie s'apprenait, et c'était comme pour tout : la musique, l'écriture, la danse... Il fallait persévérer... Et surtout savoir ce que l'on faisait. En tant que Ténébreux, je n'avais pas mis longtemps à apprendre les arts subtils de la magie. Surtout de la magie la plus noire. Transformer les gens en insecte, les écraser de mon talon, réduire un gêneur en cendre, arracher des cœurs... Mais aussi préparer des potions en tout genre... J'étais le maître de la magie, encore plus que le magicien d'Oz et je me pensais peut-être même plus fort que Satan lui-même. D'ailleurs, ce dernier me devait un service. Alors, c'était peu dire ! Je m'appuyais sur ma canne et regardais un instant le vide, l'air songeur. J'avais beau me moquer de Regina, il était vrai que sa magie à elle était peu contrôlable. La mienne, ça allait. Pourquoi aurais-je voulu l'aider ? Je me tournais vers elle, d'un bloc et tendis aussi ma main paume vers le haut. Une flamme étincelante y naquit et continua d'y brûler aussi longtemps que je le désirais. J'avais toujours tout contrôlé, le comprenait-elle maintenant ?

Avec cette flamme, je ne cherchais nullement à montrer une quelconque supériorité. Je testais simplement un sort élémentaire que je n'avais pas encore eu l'occasion de re-pratiquer. Le feu n'était pas ce qui m'intéressait. Je finis par refermer mon poing et la flamme s'étouffa avant de mourir. Je relevais les yeux et les posais sur Regina. Je pouvais l'aider, là n'était pas la question... Mais est-ce que je voulais l'aider surtout. Qu'est-ce que cela allait m'apporter ? Elle me devrait un service. Oui. Beaucoup, dans cette ville, m'étaient redevables de quelque chose : j'avais passé tellement de contrats. Alors pourquoi pas Regina encore une fois ? Le principal : jouer sur les mots. Comme je l'avais fait avec ce bon vieux roi George qui avait cru que je pouvais ramener les morts à la vie. Malheureusement pas ! Ma magie aurait alors été surpuissante... Ca aurait pu être intéressant ! Mais il n'y avait personne que je souhaitais voir revivre. Passons. « Je vois, oui. Je pourrais t'aider, mais je n'ai guère envie de t'avoir à nouveau comme apprentie... Sauf si tu me donnes quelque chose en échange. un large sourire étira mes lèvres, pour peur, j'aurais pu retrouver mon rire agaçant de jadis, mais je n'en fis rien. J'étais l'élégant et charismatique Mr. Gold, plus l'excentrique et étrange Rumplestiltskin. Qui plus est, il y avait une méthode bien plus simple pour qu'elle canalise sa magie, mais ça n'aurait alors pas été à mon avantage. En lui réapprenant les bases de la magie, je pourrais aussi m'assurer qu'elle me soit redevable sur un plus long terme. Disons que je veux un futur service. N'importe lequel. Reprenons les bases de notre ancien marché, tu devras accéder à mes requêtes tant que je te dirais « S'il te plaît ». Je ne posais pas la question, j'affirmais : c'était moi qui posais les termes de mes contrats. Je lui fis un sourire aimable avant de lui tendre la main. Mais tout bien réfléchis, je la retirais avant qu'elle ne me la serre – ou pas. Cela étant dit, es-tu sûre de vouloir te servir de ta magie ? Ne verrais-tu pas cela comme une sorte de chance de te racheter aux yeux d'Henry ? Sans magie, tu ne peux plus vraiment être la méchante Reine, n'est-ce pas ? » un nouveau sourire naquit sur mes lèvres. Mais il fut plus nostalgique que je ne l'aurais souhaité. Mon fils aussi voulait que j'abandonne mes mauvais côtés... Ils se ressemblaient un peu tous, ces enfants.

Regina & Mr Gold.

Il n’était pas facile, pour Regina, de montrer ses faiblesses. Au fil des années, surtout en tant que souveraine de la Forêt Enchantée, elle avait appris à devenir une statue vivante qui semblait être totalement dépourvue de toute émotion, excepté pour la haine envers non seulement cette insipide Blanche-Neige mais contre le monde entier. Elle donnait l’impression, à cette époque, de traverser sa crise d’adolescence, vous savez bien, ce moment ingrat dans l’évolution humaine pendant lequel vous pestez contre l’univers du matin au soir en haïssant vos parents ? C’était un peu ça, sauf que l’adolescente était reine et qu’elle avait un droit de veto sur tout. Les dégâts, dans de telles conditions, étaient horribles, c’était le cas de le dire. Claquer la porte de rage, piquer une crise à cause de ses foutues hormones, pleurer son premier amour : non, cela, ce n’était pas suffisant pour Regina. Cela n’avait pas été suffisant. Elle avait cumulé sa rage pendant des années, à souffrir sous les mauvais traitements de sa mère et le silence de son père ; dès qu’elle en avait eu l’occasion, elle avait profité de son statut de reine pour se défouler un peu. Surtout après que ce benêt de Leopold soit sorti du tableau, car il avait été alors tellement plus facile de dominer son petit peuple soumis. Elle était tyrannique, certes, mais elle savait diriger son peuple et passer des traités avec les gouvernants des royaumes voisins afin de protéger ses biens. Cela s’appelait surveiller ses arrières. En bref, Regina n’avait pas pour coutume de dévoiler ses faiblesses aux autres, et surtout pas à Rumplestiltskin. Son ancien mentor n’était rien de moins que le Ténébreux et également le plus grand manipulateur que Regina connaissait. Et Dieu savait combien de personnages tordus avaient croisé son chemin au cours de son existence… ou de ses existences, au choix. Dans ces conditions, il semblait bien stupide de lever le voile sur le fait qu’elle était impuissante, magiquement parlant. Elle n’était même pas capable de créer une vulgaire boule de feu et si elle le voulait, elle ne pourrait même pas arracher le moindre cœur afin de satisfaire ses viles fins. Les paysans pouvaient dormir sur leurs deux oreilles, ils n’avaient rien à craindre d’elle. Elle était aussi inoffensive que la plus niaise des princesses. Telle une enfant, elle n’avait rien, même pas le choix de collaborer avec Gold dans le but de retrouver sa magie.

Regina serra les poings en s’apercevant que la magie de Gold était opérationnelle. Pour l’énième fois, la Vie lui donnait une bonne gifle en plein visage et l’Injustice semblait prendre exemple sur elle. Comment cela se pouvait-il ? Gold, cet agaçant et malicieux être, n’avait aucun problème en ce qui concernait ses pouvoirs magiques, alors pourquoi n’en était-il pas de même pour elle ? Était-ce son karma, qui était si mauvais après tous ses crimes, que cela avait des répercussions à Storybrooke ? Allons, ce n’était pas le temps d’émettre de telles inepties, se gronda-t-elle mentalement. N’empêche, la situation s’avérait plus frustrante qu’avant. De quoi lui remonter le moral, vraiment. La malédiction qui s’était brisée, Henry qui la fuyait comme la peste, Emma qui lui avait volé son fils, les deux Charmings qui étaient de nouveau réunis et qui en avaient probablement pleuré ou chanté de joie, puis cette tuile qui lui tombait dessus. Sans parler de Gold qui trouvait le tout très amusant. Regina se demanda un moment si lui casser le nez effacerait son sourire arrogant, mais elle chassa aussitôt cette pensée : elle n’allait pas s’abaisser à un tel niveau, tout de même ? Non, ce ne serait vraiment pas une bonne idée. De un, parce que ce serait grotesque et puis de deux, il pourrait répliquer avec sa magie en la torturant, en l’achevant… Même s’il avait la réputation de ne pas se salir les mains – trop lâche pour le faire, sans doute – il n’y avait rien qui le retenait et Regina n’était pas prête à courir ce risque. Elle grinça, aussi froide que Henry l’était ces temps-ci avec elle : « Je crains que tu n’aies pas compris ce que je voulais. Je me passerai bien de tes petites leçons, merci bien. Je veux simplement retrouver ma magie. » Le caractère de feu de Regina l’amenait à aller droit au but, lorsque ses émotions prenaient le dessus. Les émotions étaient inutiles, se corrigea-t-elle mentalement, se souvenant du crédo de sa mère, mais tant pis, la vieille n’était plus. C’était peut-être mieux ainsi…

Un futur service ? Allons donc, quelle surprise, elle ne s’y attendait pas, à celle-là. Cette fois, l’enjeu était gros et en valait la peine, mais cela la frustrait de devoir se plier aux exigences de Gold. Ah oui, leur ancien contrat, qui n’était même plus en vigueur, mais qui le serait de nouveau si jamais elle acceptait ce marché. Un marché pour le moins louche, il allait sans dire. Il lui tendit son horrible main et Regina la fixa d’un œil dégoûté. Retrouver sa magie, redevenir celle qu’elle était, était incroyablement tentant. Mais elle avait Henry désormais, aussi distant soit-il envers elle. Si elle redevenait la Méchante Reine, jamais il ne lui pardonnerait. Jamais. Il resterait pour toujours auprès de ses ennemis et Regina pourrait dire adieu à sa fin heureuse. Enfin, comme si de telles réjouissances étaient à sa portée… Comme si tout cela avait déjà été à sa portée ! Alors qu’il n’en était rien, Rumplestiltskin et Cora y avaient étroitement veillé. À croire qu’ils avaient un jour bossé main dans la main… Regina savait que sa mère avait connu le monstre à un moment donné, mais les détails étaient flous et le manque d’amour maternel ne l’avait pas vraiment poussée à poser des questions à ce sujet. Soudain, l’autre retira sa main et joua avec ses sentiments, une fois n’était pas coutume. Regina laissa échapper un long soupir exaspéré. Inutile de cacher son irritation à ce stade-ci de la conversation. Sans magie, elle n’était rien du tout, voilà la vérité. Et puis il y avait Henry. Henry, qui représentait son unique raison de tout laisser derrière elle. « Je désire récupérer mon fils des griffes de Miss Swan et le seul moyen d’y arriver, semble-t-il, soit par la magie. Mais, en quoi tout cela te concerne-t-il, Rumple’ ? » Elle n’aimait pas ça, une partie d’elle n’aimait pas ça et rechignait à utiliser la vilaine magie. Mais elle n’avait pas le choix, elle n’avait jamais le choix. « À ce que je sache, tu as accompli ce que tu voulais, tu as fait de moi la Méchante Reine afin que je puisse lancer ta damnée malédiction. Maintenant que le Sort Noir est brisé, pourquoi as-tu fait en sorte que nous restions tous bloqués à Storybrooke ? Après tout, c’est toi et uniquement toi que nous devons remercier pour la création d’un tel maléfice. »

Spoiler:

Regina & Mr. Gold

Spoiler:

Regina & Mr Gold.

Regina avait la désagréable impression qu’une fois de plus, dans son existence parsemée de tragédies, d’horreurs et de malchances, elle ne tirait pas les ficelles. Elle n’était qu’une pitoyable marionnette qui allait et venait au gré des humeurs d’un dieu cruel. Ou, plutôt, au gré des humeurs du Ténébreux qu’elle avait eu le plaisir de croiser ce matin – notez l’ironie. Car Rumple, aussi puissant soit-il, n’était pas un dieu. Elle non plus. Malgré leur réputation de vilains qui les précédaient où qu’ils aillent, ils demeuraient que de simples humains, animés par des désirs cupides et dérisoires. Ils étaient tous deux possédés d’un égoïsme presque alarmant, mais il fallait les pardonner ; ils n’étaient pas invincibles. Et tout être humain, qu’il soit jugé bon ou mauvais, ne pensait qu’à lui-même. Par exemple, il ne fallait pas croire que l’altruisme était un geste bon. Derrière l’altruisme se cachait un désir – celui d’être reconnu comme étant le « gentil » de l’histoire, celui de recevoir quelque chose en échange, bref, la liste pouvait être longue selon l’individu – ce qui prouvait encore l’égoïsme de la race humaine. Bref, tout cela pour dire que Rumple ne pensait qu’à lui-même en essayant de convaincre Regina d’accepter son petit marché. Son deal, comme il l’appelait. La brunette savait qu’il était très risqué de succomber à la magie. Bien sûr qu’elle le savait. Cela aurait des conséquences, et pas des plus heureuses. Cela dit, elle était totalement démunie sans magie. Et Regina avait horreur d’être sans protection et d’être coupée de la seule chose qui lui avait été fidèle toutes ces années. Accepter d’être privée de magie pendant vingt-huit ans avait été un dur sacrifice, bien entendu, mais en retour, tous les sorciers figés dans le temps subissaient le même sort. Alors que là, Gold avait retrouvé ses pouvoirs, contrairement à elle. La situation n’était pas égale, elle n’était pas juste. Voilà pourquoi il était encore plus tentant de succomber. Parce que sans sa précieuse magie, Regina se retrouvait à la merci de tous les habitants de Storybrooke. Ces derniers, bêtes comme ils étaient, n’avaient pas encore réalisé que la Méchante Reine n’avait pas retrouvé sa magie et devaient probablement se dire qu’elle était en train de manigancer un grand complot. Ils étaient toujours prêts à penser le pire d’elle, mais bon, c’était tout naturel, n’est-ce pas ? Ce n’était pas comme si elle leur avait montré la moindre gentillesse par le passé. C’était normal qu’ils veuillent la massacrer. Ils étaient peut-être idiots, mais pas hypocrites… du moins, pas hypocrites à ce point. Car Snow White était un bon exemple de cette hypocrisie, toujours en train de vanter les bienfaits de la gentillesse et de la mièvrerie, beurk, cela levait presque le cœur de Regina en y pensant. Et son Prince Charmant n’était guère mieux. Si jamais ces paysans tentaient quelque chose contre elle et qu’elle n’avait pas retrouvé sa magie à ce moment-là, elle serait dans le caca jusqu’au cou. Donc, se préparer à cette éventualité était l’une des priorités de Regina. De même que reprendre son fils des mains de ces damnés Charmings. D’où la raison pour laquelle elle continuait d’entretenir cette joyeuse discussion avec l’un de ses pires ennemis.

Le sourire de Rumple énerva Regina. Qu’est-ce qu’il avait à sourire comme ça, le monstre du marais ? Il avait découvert qu’il était possible de se faire une chirurgie plastique ? Oh, c’était bas de penser ça. Regina pinça les lèvres, préférant ne pas faire de commentaires sur son refus de garder ses « affaires » pour lui. À quoi s’attendait-elle en lui posant de telles questions, de toute façon ? Il était prévisible que Rumple se taise à ce propos. Il ne divulguait que ce que lui plaisait ou qui l’avantageait, c’était bien connu. Et elle, plus que quiconque, en était consciente. Il avait raison, c’était elle et uniquement elle qui avait accepté de jeter la malédiction. Mais il serait bien hypocrite de se croire innocent dans tout cela. Après tout, il avait su manipuler la jeune femme brisée et détruite qu’elle était alors à ses fins personnelles. Pour une raison qui lui échappait totalement, du moins pour l’instant, Rumplestiltskin lui avait donné la malédiction, l’avait laissée emporter tout un peuple et quelques-uns venant de peuples voisins dans un monde sans magie et s’était par-dessus le marché arrangé afin que le sort soit brisé ! Car c’était bien ce qui s’était passé, il avait voulu qu’Emma Swan brise la malédiction. Dans quel but, cela Regina n’en savait rien. Tout au plus pouvait-elle imaginer des représailles dans les jours à venir de la part de son ancien mentor. Sans doute préparait-il un grand coup. Quoi qu’il en soit, il cachait bien son jeu, celui-là, elle lui accordait bien cela. Elle leva la tête, hautaine. Elle avait sa fierté, la Regina. « Cette fois, c’est à moi de te dire que ça, ce sont mes affaires… dearie. » répliqua-t-elle d’une voix dédaigneuse, surtout en prononçant le dernier mot. Elle en était venue à haïr ce petit surnom, il n’était associé qu’à Rumple et dès qu’elle l’entendait, elle se doutait que les ennuis n’allaient pas tarder à pleuvoir. Lui et ses deals… On aurait dit que pour lui, tout cela n’était qu’un jeu, un grand jeu grandeur nature… Elle prit la main de son ennemi, ses yeux se révulsèrent au contact mais sa voix demeura la même : froide, dénuée d’émotions… ou peut-être y avait-il un soupçon de colère au bout de sa langue. Elle foudroya son ennemi du regard en déclarant : « Deal. » Un simple mot, mais qui changeait le cours de l’Histoire, peut-être. Elle sentait qu’elle allait peut-être le regretter, mais avec sa magie, elle ne serait plus aussi démunie qu’avant. Henry pourrait bien comprendre que, pour se défendre, Regina n’avait pas le choix, non ? Non, sans doute ne comprendrait-il pas. Il n’était qu’un enfant. Son enfant. Et elle allait le décevoir. Regina chassa cette horrible pensée et retira vivement sa main de celle de Rumple. « Ne perdons pas de temps. Revivons nos anciens souvenirs. Apprends-moi la magie. »

Spoiler:

Regina & Mr. Gold

Spoiler: