Vincento, de son premier prénom Vincent, n'est pas né à la nouvelle Orléans, là où il trouva ensuite la mort. En fait, il naquit comme beaucoup de ses congénères dans la forêt enchantée à une époque troublée dans un royaume pauvre et désolé. Son père, jamais il ne le connut... C'est du moins ce qu'il crut, car, un jour, il en fit la connaissance, mais ne le sut jamais. Cependant, ceci est une autre histoire... Concentrons-nous plutôt sur sa mère, ivrogne adoratrice de l'argent. Elle passait son temps à arnaquer le beau monde en se faisant passer pour une voyante. A l'époque, tout le monde l'appelait Mrs. O, mais à présent, c'est Mama Odie, étrange vieille dame vivant dans les marais de la Nouvelle-Orléans. Mais ça aussi, c'est une autre histoire. Si elle n'a rien perdu de son excentricité avec les âges, elle était loin d'être la gentille vieille prête à aider les voyageurs lorsque Vincent, son fils, se trouvait encore collé à ses basques... Et peut-être voyait-elle réellement l'avenir, au fond, mais Vincent l'a toujours prise pour une tricheuse, car, dès son plus jeune âge, il aidait à l'installation de quelques tours de passe-passe. Les gens qui entraient dans la tente de Mrs. O étaient, selon le jeune garçon, bien naïfs...
Mrs. O n'était pas vertu de patience et d'amour, c'est le moins que l'on puisse dire. Au contraire. Elle se montrait impatiente et sèche, donnant de temps à autre des tapes derrière la tête de son fils. Ils ne vivaient pas dans la plus grande pauvreté (une voyante avait toujours de quoi se remplir les poches, à l'époque) mais n'avaient pas assez pour se laisser aller aux petits plaisirs de la vie. Vincent apprit très tôt à tricher, comme le lui enseigna sa mère, cachant des cartes au fond de ses manches, réussissant à tromper les yeux des clients avec quelques tours de passe-passe pour faire apparaître et disparaître différents objets. Dès qu'il fut assez âgé, il partit lui aussi en quête d'argent. C'est là qu'il fit fortuitement un homme modérément vieux, la tête à moitié plongée dans l'ombre sous un épais capuchon brun. Il ne fut pas berné par les arnaques du jeune garçon (alors âgé d'une dizaine d'années) et lui attrapa fermement le poignet. Bien loin de se montrer agressif, il lui fit un sourire aimable.
« Qui t'as donc appris à voler de la sorte ? »
Vincent tenta de se dégager.
« Ma mère, on le fait pour vivre... Lâchez-moi, j vous rend votre argent ! »« Et qui est donc ta mère, mon garçon ? »
Vincent réussi à se dégager, à force de se tortiller dans tous les sens. Il pointa la tente de Mrs. O d'un mouvement de la tête et l'homme éclata d'un rire sarcastique.
« Mrs. O, cette sale sorcière... Dis, petit, qu'est-ce que tu veux faire avec tout cet argent ? Le donnes-tu vraiment à ta mère ? »Vincent lui jeta un regard méfiant avant de se hisser sur la pointe des pieds et de lui murmurer :
« En fait j'économise pour acheter toute la ville et, un jour, devenir roi ! »L'homme haussa les sourcils mais ne se moqua pas. Il ébouriffa les cheveux de Vincent et lui sourit, bienveillant.
« Réalise tes rêves, dans ce cas, c'est très important ! Ne vis que pour ça si c'est possible parce que sinon... Pfiout ! Ils s'éteignent et, avant de t'en rendre compte, tu es trop vieux. »
Vincent le regardait, presque émerveillé. C'est alors qu'une main s'abattit fermement sur son épaule, le faisant sursauter.
« Qu'est-ce qu'tu racontes donc à mon fils, toi ? Allez, oust, ou je te botte les fesses ! » Mrs. O lui fit les gros yeux et l'homme leva les mains en signe de paix avant de disparaître dans la foule de passants qui se pressaient dans la rue. Vincent poussa un soupir et ramassa les cartes qu'il avait fait tomber pour les remettre dans leur paquet. Il ne sut jamais qu'il venait de rencontrer son père pour la première et la dernière fois, mais cette rencontre changea bien des choses et renforça la détermination de Vincent. Il voulait être puissant, seigneur et maître d'une grande ville. Voire d'un pays, d'un royaume. Il était prêt à payer le prix qu'il faudrait.
Et quel prix...À dix-sept ans, malgré les mises en garde de sa mère, Vincent partit de chez lui, sûr de devenir riche avec ses talents d'arnaqueurs. Malheureusement, il désenchanta rapidement en se rendant compte que tout était difficile. La vie ne lui sourit absolument pas, il sombra dans la misère la plus totale et fut obligé de devenir médecin de fortune, apportant plantes et soins aux gens les plus démunis. Il n'arrivait pas à gagner grand chose car les personnes qu'il soignait étaient pauvres et ne pouvaient le payer qu'en soupe ou en pain. Il n'était pas encore tout à fait un adulte, bien que seul et livré à lui-même... S'il en avait été un, les choses se seraient passées bien différemment et jamais il ne serait allé dans ce pays merveilleux appelé Neverland, en rêve. Son futur s'en trouva changé à jamais...
Dans son rêve, Vincent flottait au milieu des nuages au-dessus d'une île sauvage qui semblait accueillante. Il atterrit souplement sur le sol et regarda aux alentours, se demandant ce qu'il faisait ici mais trop heureux pour refuser de rêver un peu. Il se mit donc à marcher pendant des heures, lui sembla-t-il. Mais le temps, en rêve, est souvent falsifié. Alors qu'il longeait une plage à l'eau argentée, il entendit un bruit qui glaça son sang dans ses veines. Lentement, il se retourna pour faire face à une ombre impressionnante et presque apeurante.
« Qui êtes-vous ? » s'enquit bravement le jeune homme en bombant son torse dépourvu de muscle. L'ombre sourit – si du moins cela était possible.
« Je suis un habitant de cette île. Mais toi ? Tu es presque un adulte, maintenant. Comment se fait-il que tu éprouves le besoin de venir flâner à Neverland ? »
Vincent haussa les épaules.
« Ce n'est qu'un rêve, de toute façon, ça ne devrait gêner personne. »« Ah oui, tu crois vraiment ? »
« Bien sûr, quoi d'autre ? »L'ombre se mit à voleter autour de Vincent sans jamais la lâcher des yeux, comme si elle cherchait à lire au plus profond de son âme.
« Je lis dans ton cœur. Tu es pauvre et malheureux. »
Vincent haussa les épaules. La vie n'allait pas comme prévu, en effet, il la détestait. Les rêves ne se réalisaient pas, et il n'était qu'un vulgaire médecin sans ambition, sans vie future... Il serait toujours un petit lézard qui regarderait avec envie les dragons cracher du feu.
« Ca peut toujours s'arranger, ça. »
Vincent haussa les sourcils.
« Je vous demande pardon ? »L'ombre fit apparaître un pendentif dans sa main droite. Pendentif sur lequel était accrochée une petite tête en bois sculpté.
« C'est souvent dans les petits objets anodins que son enfermés les plus grands pouvoirs. »
Susurra l'ombre à l'oreille de Vincent. Les yeux du jeune homme se mirent à briller de convoitise.
« Que voulez-vous dire par là... ? » souffla-t-il.
« Avec ça... Tu pourrais contrôler beaucoup de choses. »
« Comme quoi... ? »« Les ombres, dans une première partie. Et beaucoup d'autres choses venant de
l'autre côté. C'est de la magie noire, je te l'accorde, mais c'est toujours cette qui a marché le mieux. »
Vincent se fichait de savoir si c'était de la magie noire, blanche, bleue, verte ou rouge. Ce qu'il voulait, c'était la puissance que semblait contenir ce talisman. Il tendit la main pour attraper le pendentif, mais l'ombre fit un écart pour le tenir hors de sa portée.
« Je suppose qu'on t'a un jour appris que tout avait un prix plus ou moins cher dans la vie, petit humain ? »
Vincent hocha la tête.
« Et qu'attendez-vous, Ombre ? »L'ombre émit un petit rire grinçant.
« Prend garde de ne jamais détruire ce talisman. Il est fragile. Si jamais il venait à se briser, cela voudrait dire que tu serais prêt à payer tes dettes. Plus tu requerras de son pouvoir, plus tes dettes seront grosses. »
« Je paie donc de mon âme ? »Un nouveau rire grinçant et inquiétant s'échappa des lèvres de l'ombre.
« On paie tous de son âme. Tu nous devras servitude éternelle si jamais tu venais à briser ce talisman, lien du contrat qui te lira à Neverland. Pour payer tes dettes, c'est très simple : il te suffira d'envoyer les ombres récolter les âmes des enfants après leur avoir demander quelques services. »
Vincent prit le temps à la réflexion. Mais quel autre moyen pour sortir de la misère. Il finit par sourire et tendit la main pour prendre le pendentif.
« J'ai compris. C'est d'accord, Ombre. »C'est dans un tourbillon de couleurs que le rêve de Vincent prit fin.Lorsque Vincent ouvrit les yeux, il se souvenait parfaitement de tous les détails de son rêve. Sa vie de misère allait continuer... Mais peut-être la magie pourrait, en effet, lui venir en aide... Alors qu'il se redressait dans ses maigres couvertures, il sentit que sa main était refermée sur un objet. Il baissa les yeux sur le talisman qui reposait au creux de ses mains. Ses yeux s'agrandirent comme des soucoupes.
Tout était vrai.
Il passa le pendentif autour de son cou et un large sourire élargit ses traits. La chance allait tourner !
Et en effet, la chance tourna...
Vincent devint rapidement beaucoup plus riche. Et, par la même occasion, beaucoup d'enfants périrent dans le village, si bien que, pour faire bonne figure, le jeune homme s'en alla dans des villes plus grandes, plus belles, pleine de beau monde. Il fut, pendant un certain temps, médecin à la cours du roi d'un royaume. Le Dr. Facilier, l'appelait-on. Il garda ce titre qu'il aimait bien. Un soir, il perdit tout son argent en jouant à des jeux de hasard, et il fut contraint à s'exiler. Mais pas n'importe où... Ses amis de l'autre côté (les ombres et autres petites choses) l'aidèrent à s'en aller définitivement de la forêt enchantée pour arriver dans un endroit beaucoup plus classe et mouvementé... La Nouvelle-Orléans. Vincent s'y fit une petite place, arborant chapeau haut de fort distingué, veston brun, chemise mauve – le summum de la classe – et une canne, tel un gentleman. Là non plus, il n'était pas l'exemple même de la richesse mais sa propre ombre – qui agissait séparément de son corps, comme une vieille amie – l'aidait à voler les riches, discrètement... Il garda son titre de docteur et ouvrit une petite boutique en ville : pharmacie à l'étage, arts vaudous et divinatoires au sous-sol.
La chance lui sourit vraiment lorsqu'un prince – oui, un PRINCE – arriva en ville accompagné de son valet un peu grassouillet. Le prince Naveen de Machin-Truc, crut-il comprendre. C'était sa chance de le manipuler, lui et son serviteur, afin d'avoir toute la ville en sa possession et de payer les dettes qui traînaient derrière lui, pour ses maîtres qu'il n'oubliait pas. Vous connaissez toute l'histoire, ensuite, n'est-ce pas ?
Il réussit à convaincre Lawrence, le valet, et le prince qu'il changea en grenouille avec l'aide de la magie de ses amis de l'au-delà. Son plan était très simple : faire en sorte que Lawrence – déguisé en prince Naveen grâce au pouvoir du Talisman – épouse la fille du grand gouverneur de la ville. Après quoi, la ville lui appartiendrait et toutes les âmes seraient aux ombres qui les emporteraient à Neverland.... Et toutes ses dettes seraient payées, il n'aurait plus aucun souci à se faire ! Et son but serait atteint... Il deviendrait Seigneur et Maître de la Nouvelle-Orléans.
Malheureusement, comme vous le savez sans doute, les choses ne se passèrent pas comme prévu... La princesse et la grenouille venait d'être écrit et la princesse brisa honteusement la cher Talisman de Vincent qui se retrouva encerclé de ses fidèles ombres qui creusèrent sa tombe dans le sol d'un vieux cimetière ...
L'histoire aurait pu s'arrêter là. Après tout, il avait juré servitude si jamais le talisman venait à être brisé, n'est-ce pas ? Mais, au lieu de quoi, il se retrouva prisonnier du monde des morts, dans un ville peut singulière : Halloween Town. Telle était la façon de payer ses dettes, à présent : récolter les âmes d'enfants les soirs d'Halloween jusqu'à ce qu'on le libère de son serment. Perdant son apparence d'homme, Vincent devint le Croquemitaine, terrible monstre hantant les rêves des enfants, se dissimulant sous le lit de ceux qui n'étaient pas sages et attendant qu'il fasse noir comme du charbon...
Malheureusement, il fut jugé trop dangereux pour la ville et enfermé à triples tours au fin fond d'un arbre creux, gardé par le trio infernal, Am Stram & Gram, qu'il prit quelque peu sous son aile pour leur enseigner les coups les plus tordus. Dans cette ville aussi, il eut son histoire... Pas aussi probante que lorsqu'il était Vincent Facilier, mais cela mérite un rapide petit détour avant d'en venir au sort qui le plongea, comme tant d'autres, à Storybrooke.
Vincent se faisait désormais appeler Oogie-Boogie et rares étaient ceux qui connaissaient sa passion pour les jeux d'argent. Il avait fait de sa prison un véritable casino, plein de pièges pour d'éventuels malchanceux qui tomberaient entre ses griffes. Vint « fortuitement » à ses oreilles une étrange rumeur concernant un certain Sandy Claws... Le trio infernal lui livra ce personnage qui était soi-disant effrayant et il le maltraita un peu en compagnie de Sally, une habitante d'Halloween Town. C'est alors que son grand rival de toujours, Jack l'épouvantail, vint se mêler de cette histoire et faillit le réduire à néant. Cette fois, il n'aurait pas pu payer mes dettes... Mais il en fut autrement. Il réussit à se reformer – après tout, on ne peut pas mourir deux fois, et, techniquement, Vincent était déjà mort ! – et se traînant en dehors de la ville, dans la forêt. Il aurait alors pu se passer bien des choses... Il commençait à nourrir des envies de vengeances contre celle qui avait entraîné sa mort, cette stupide grenouille de la Nouvelle-Orléans, et Jack qui l'avait ridiculisé sans lui laisser le temps de finir sa partie de dés. Mais il n'eut pas le temps de bien y réfléchir puisque le Sort s'abattit sur la région d'Halloween et que tous furent transportés ailleurs, sans souvenirs, sans rien...