...une petite voleuse nommée Eleanor. Née d'un père ménestrel et élevée par une bande de hors-la-loi, elle n'avait pas eu la même enfance que tous les jeunes du Comté de Nottingham. La sienne avait été mouvementée, chaque jour réservant son lot de surprises et de dangers, mais elle avait eu le mérite d'être empreinte de valeurs telles que la générosité, la justice et la loyauté. Le tout était rythmé par les contes et récits de leurs exploits chantés par son père, source de joie de tous les compagnons en des soirs parfois rudes car la vie dans la forêt n'offrait pas toute la douceur et le confort d'un vrai foyer. Entre les discours reflets d'opinions pleines d'amertume envers les hommes de pouvoirs et l'injustice qu'ils faisaient régner, Allan A'Dayle, le ménestrel, apportait du rêve et sa fille profitait pleinement de son imagination débordante et de ses talents de comédien et d'animateur. Il était plus qu'un conteur et un musicien, il était plein d'humour et d'intelligence et il guida Eleanor vers cette manière d'être.

Aucun compagnon avant ses parents n'avait donné naissance à un enfant en étant déjà parmi eux. Il étaient membres de la communauté depuis une année à ce moment là, Robin des bois avait permis à Allan de récupérer sa bien-aimée et ils avaient été mariés par un autre compagnon. Avoir un bébé en ayant un mode de vie tel que le leur était risqué, personne ne savait de quoi son lendemain serait fait, ils restaient des bandits, recherchés par le shérif. Mais cette petite fille attendrissait au moins autant qu'elle inquiétait. Chaque compagnon était comme un autre de ses parents, elle se sentait particulièrement proche de Robin que son père avait désigné comme parrain. En plus d'avoir cette famille qui avait plus de valeur par les liens forts qui les liaient que des cousins biologiques dont elle n'était pas sûre de l'existence, vivre dans la forêt lui permit d'être très vite autonome et il arrivait souvent qu'un des hors-la-loi lui apprenne quelques techniques ou quelques tours.

On lui montra comment tirer à l'arc et comme elle n'avait pas la force d'un adulte, on lui construisit même un arc à sa taille. Elle-même se fabriqua un lance-pierres et apprit à se cacher, à attendre le bon moment... Très jeune, elle fut capable de réaliser des petits coups, compensant son manque d'expérience, de pratique ou de force par la ruse et l'inventivité, rebondissant sur chaque élément inattendu qui pouvait survenir. A l'âge de neuf ans, elle était pratiquement un compagnon à part entière et participait à la récolte des richesses et à leur redistribution. Elle faisait la fierté de ses parents et avait même fait ses premières notes sur le luth de son père.

Il lui arrivait parfois de jouer avec les enfants des villages alentours, personne ne savait d'où elle venait et elle était particulièrement douée dès qu'il s'agissait de semer d'éventuels curieux. Mais la plupart du temps, la compagnie de petits de son âge lui manquaient. Certes, les adultes lui offraient de quoi se divertir et discutaient avec elle, mais ce n'était pas la même chose. Elle n'approchait pas l'innocence des enfants, les personnes en sa compagnie n'avaient pas leurs rêves et leur vision du monde. Eleanor eut des amis imaginaires pour l'accompagner mais elle n'y croyait pas suffisamment pour qu'ils persistent, seule restait la solitude. Elle n'était pas triste, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas réellement s'intégrer aux groupes d'enfants des villages, car la "fille des bois" avait été très vite interdite de fréquentation par les parents d'ici et là.

Lui restait donc une autre source de divertissement. Usant à la fois d'agilité et de manipulation, elle avait pris goût au vol au delà des valeurs défendues par les compagnons de Robin. Pour cette toute jeune fille, il s'agissait d'un jeu qui était plus ou moins difficile et qui nécessitait beaucoup de technique : le gagner était donc particulièrement satisfaisant. Bien sûr, de part son éducation, elle ne se servit jamais de ses talents de voleuse pour faire du tort à quelqu'un ou pour s'enrichir personnellement, non, les biens qu'elle volait et qu'elle gardait pour elle n'avaient aucune valeur. Il pouvait s'agir de tout et de rien, mais ce simple bout de tissu ou ce pot cassé - tant que sa capture avait été réalisée avec talent - avait une place dans sa collection de trophées qu'elle cachait soigneusement. Vivre dans une communauté avec une telle proximité lui donnait d'autant plus envie d'avoir ses petits secrets. A onze ans, elle rêvait d'indépendance, sans se rendre compte que par ce mode de vie, on lui en avait offert plus qu'elle n'aurait jamais eu en ayant été élevée de manière plus classique.

Eleanor ne fut pas envoyée à Storybrooke.

Alors que la malédiction était imminente, elle put s'emparer d'un objet enchanté qui la protégea. Elle n'en eut pas conscience. Ce bijou était dans une bourse accrochée à la ceinture d'un noble quelconque marchant au milieu de la foule de la ville. En ouvrant le petit sac, une fois retournée à sa planque personnelle, elle vit cette bague au milieu des pièces d'or et l'enfila plus par jeu, car elle ne comptait pas le garder. Le hasard fit qu'elle porta encore l'anneau au moment de la malédiction et qu'il l'en protégea.

Après la tempête, les compagnons avaient disparu... Seul restait Robin, aussi perdu qu'elle. Lui cherchait sa fiancée, elle ses parents. C'est ainsi qu'ils parcoururent les contrées enchantées, ne sachant où aller, ne cessant d'espérer tomber sur un indice pour les guider. Il était désespéré et elle avait la naïveté de croire que plus ils cherchaient, plus ils se rapprochaient de leurs compagnons disparus.

Elle eut onze ans pour toujours et c'est après avoir cherché à se séparer d'eux que ses parents lui manquaient le plus. Car cette disparition ne pouvait avoir qu'une cause magique, cette brume n'avait rien de naturel, ces années passées sans pouvoir grandir non plus. Plus le temps ne passait pas, plus elle se retrouvait à supporter Robin, désormais son seul compagnon. Elle essayait de lui apporter l'espoir lorsqu'il n'était que colère et tristesse, lui montrant les belles choses de leurs voyages. Et parfois, les rôles étaient inversés, lui optimiste et elle anéantie. Au delà de la douleur, le lien qui les unissait prit de l'importance.

A ce jour, il se serait écoulé vingt-huit ans mais Eleanor a arrêté de compter bien avant. Lorsque le temps est figé, sur quoi s'appuyer pour déterminer quelle durée ont leurs actions ?